« Vous ai-je déjà montré mon bijou préféré ? C’est ma bague à cabochon d’œil. Je ne m’en lasse pas. Certes, la couleur de l’œil perché sur la monture en argent massif est étonnante. Un gris inégal comme une mer démontée. Mais ce qui me plait surtout, c’est que c’est un vrai œil ! Et il a bien entendu une histoire.
A peine évadé du bagne, je suis revenu dans ma bonne cité de Baden afin de profiter des joies de la vie. De bordel en taverne, de tripot en auberge, j’ai un jour atterri dans une salle de jeux clandestine assez connue : « le calamar dispendieux ». Et là, la rencontre avec le pigeon le plus incroyable de tout le continent.
Une espèce de larron avait élu domicile dans cette salle depuis deux bonnes semaines. Un fortiche. Un roi du calcul et un excellent joueur. Il s’appelait Fritz Gungerman.
Moi je me sentais en veine et surtout saoul, donc persuadé d’avoir la chance du siècle. Alors je lui ai proposé une partie de dominos pirates sans limite d’enjeu. Nous pouvions parier tout ce qui nous appartenait, tout en sachant que chaque pari déclaré devait être accepté par l’autre joueur, sous peine d’amputation des deux mains.
Depuis ce jour, je me dis que j’ai toute l’audace, tout le courage et surtout toute l’inconscience nécessaires pour devenir le plus grand des seigneurs pirates de la région.
Par les cornes du grand Drake ! Diable et foutre de pute ! Quel bon joueur je rencontrais là !
Il a commencé à me peler comme un oignon et j’ai vu le coup que j’allais désormais m’appeler Vlad « le déplumé ». Il ne me restait qu’une pièce d’or lorsque j’ai déclaré que je n’avais pas survécu au bagne de Müden pour me faire délester par le premier joueur professionnel venu.
Il y a un dieu pour les poivrots. Et parfois il écoute.
Je n’ai plus jamais eu autant de chance au jeu de toute ma vie. Que des doubles et des suites. A en dégoûter tous les cocus de Brechtür.
Gungerman était un adversaire courageux et doué, mais il ne pouvait pas s’en sortir.
Il a tout parié, alors j’ai tenu tous ses paris. Son argent, ses bijoux, sa pute, ses vêtements. J’ai mesuré l’ampleur de sa rage lorsqu’il a parié sa liberté pour un an, et qu’il l’a perdue.
N’importe qui aurait arrêté, mais pas lui. Il m’a proposé le quitte ou double le plus audacieux que j’ai jamais vu. Je me souviens encore de ses paroles : « Aussi vrai que je m’appelle Gungerman, tu vas prendre ce pari ! Soit tu me rends tout, tu me files tout ce que tu possèdes sur cette terre et tu te prosternes devant moi en me donnant du maître, soit je m’arrache l’œil droit avec une cuillère, je le garde dans de l’alcool et après mon année d’esclavage, lorsque je ne te devrais plus rien, je gagnerai l’argent nécessaire pour te le monter en bague ! Tenu ? »
C’est mon bijou préféré. Et il a une vraie signification, c’est que la parole d’un vrai joueur est sacrée.
Et Fritz Gung… Fritz « le borgne » ? Il est resté à mon service après avoir tenu ses engagements. C’est mon intendant en quelque sorte. Il est doué et en plus, il a le pied marin et sait commander des hommes.
Il n’a l’air de rien comme ça, mais mes gars s’en méfient. Ils ont raison.
Allez savoir jusqu’où peut aller un toqué qui s’arrache un œil par amour du jeu. »
A peine évadé du bagne, je suis revenu dans ma bonne cité de Baden afin de profiter des joies de la vie. De bordel en taverne, de tripot en auberge, j’ai un jour atterri dans une salle de jeux clandestine assez connue : « le calamar dispendieux ». Et là, la rencontre avec le pigeon le plus incroyable de tout le continent.
Une espèce de larron avait élu domicile dans cette salle depuis deux bonnes semaines. Un fortiche. Un roi du calcul et un excellent joueur. Il s’appelait Fritz Gungerman.
Moi je me sentais en veine et surtout saoul, donc persuadé d’avoir la chance du siècle. Alors je lui ai proposé une partie de dominos pirates sans limite d’enjeu. Nous pouvions parier tout ce qui nous appartenait, tout en sachant que chaque pari déclaré devait être accepté par l’autre joueur, sous peine d’amputation des deux mains.
Depuis ce jour, je me dis que j’ai toute l’audace, tout le courage et surtout toute l’inconscience nécessaires pour devenir le plus grand des seigneurs pirates de la région.
Par les cornes du grand Drake ! Diable et foutre de pute ! Quel bon joueur je rencontrais là !
Il a commencé à me peler comme un oignon et j’ai vu le coup que j’allais désormais m’appeler Vlad « le déplumé ». Il ne me restait qu’une pièce d’or lorsque j’ai déclaré que je n’avais pas survécu au bagne de Müden pour me faire délester par le premier joueur professionnel venu.
Il y a un dieu pour les poivrots. Et parfois il écoute.
Je n’ai plus jamais eu autant de chance au jeu de toute ma vie. Que des doubles et des suites. A en dégoûter tous les cocus de Brechtür.
Gungerman était un adversaire courageux et doué, mais il ne pouvait pas s’en sortir.
Il a tout parié, alors j’ai tenu tous ses paris. Son argent, ses bijoux, sa pute, ses vêtements. J’ai mesuré l’ampleur de sa rage lorsqu’il a parié sa liberté pour un an, et qu’il l’a perdue.
N’importe qui aurait arrêté, mais pas lui. Il m’a proposé le quitte ou double le plus audacieux que j’ai jamais vu. Je me souviens encore de ses paroles : « Aussi vrai que je m’appelle Gungerman, tu vas prendre ce pari ! Soit tu me rends tout, tu me files tout ce que tu possèdes sur cette terre et tu te prosternes devant moi en me donnant du maître, soit je m’arrache l’œil droit avec une cuillère, je le garde dans de l’alcool et après mon année d’esclavage, lorsque je ne te devrais plus rien, je gagnerai l’argent nécessaire pour te le monter en bague ! Tenu ? »
C’est mon bijou préféré. Et il a une vraie signification, c’est que la parole d’un vrai joueur est sacrée.
Et Fritz Gung… Fritz « le borgne » ? Il est resté à mon service après avoir tenu ses engagements. C’est mon intendant en quelque sorte. Il est doué et en plus, il a le pied marin et sait commander des hommes.
Il n’a l’air de rien comme ça, mais mes gars s’en méfient. Ils ont raison.
Allez savoir jusqu’où peut aller un toqué qui s’arrache un œil par amour du jeu. »
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