Haniesh Gorge en Feu

« Il est des hommes qui naissent uniquement pour souffrir. Il est des hommes qui ne vivent que pour les faire souffrir. C’est une relation de ce type que j’ai eu avec Haniesh.

Et c’est bien lui qui en a payé le prix en définitive.

Haniesh était un lamentable ménestrel inoccupé qui avait échoué à Baden pensant qu’il pourrait divertir les marins de passage, et en vivre. C’est à son premier passage à tabac qu’il a commencé à divertir mes hommes. Je crois qu’ils lui ont tout fait, ou presque. Jusqu’à lui faire manger la carcasse de sa harpe tandis que les cordes, mises bout à bout, étaient attachées d’un côté à ses roustons, et de l’autre au poignet de Börek à qui l’on remplissait la chope dès qu’elle se vidait à moitié.

Pauvre créature. Misérable insecte.

Pas assez de chanter comme un mérou châtré, il s’est mis à boire. C’est là qu’il a gagné son surnom de « gorge en feu ». Et c’est à ce moment-là que j’ai commis une très grave erreur que plus jamais je ne ferai de toute ma vie : j’ai presque eu pitié.

En vomissant malencontreusement sur Börek un soir d’excès, il avait lui-même mis fin à sa carrière de harpiste lorsque mon ami avait délicatement laissé reposer ses pieds sur ses mains d’artiste.

A cette époque, je pensais qu’un seigneur pirate digne de ce nom devait avoir son homme de spectacle.

De plus, cela faisait presqu’un an qu’il était à Baden et ses mésaventures avaient eu une conséquence bénéfique : il connaissait tout le monde !

Alors je l’ai pris à mon service. Il m’informait en sous-main et servait de « passe-temps » à pas mal de mes gars. Sa voix détruite ainsi que son goût immodéré pour la boisson entretenaient son aspect inoffensif qui me permettait de tout savoir sur tout et sur tout le monde, y compris sur mes sbires.

Je n’ai jamais eu de chien. Si cela avait été le cas, j’aurais souhaité qu’il soit miteux et fidèle comme Haniesh.

Je pense que cette pauvre créature répugnante aurait pu me servir et me divertir encore longtemps, mais j’ai préféré lui offrir un nouveau départ.

C’est dans ce genre de cas que je mesure toute l’étendue de ma bonté.

Certaines de mes relations lui ont offert l’immortalité.

Je ne l’ai pas regretté. »

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